Près d'un français sur deux est en situation de surpoids selon une étude de l'Inserm publiée lundi 20 février 2023. L'obésité progresse notamment chez les jeunes. Un Français sur deux est en surpoids. Cette journée du 4 mars mets encore l'accent sur cette maladie qui prend de l'ampleur au rythme d'une épidémie sociétale que l'on a du mal à contenur individuellement et collectivement.
Nous avons rencontré le Chirurgien Nathan Beaupel, spécialiste des chirurgies digestive et viscérale et diplômé en chirurgie métabolique et de l'obésité.
Dr Beaupel, Pourriez-vous définir lce qu'est l'obésité ?
L’obésité est une maladie définie à partir de critères
morphologiques comprenant le poids et la taille. En calculant, avec une formule mathématique simple, le poids en kg sur la taille en m au carré, l’indice de masse corporel (IMC), la définition de l’obésité a été formulée de manière simple par l’OMS lorsqu’on obtient un résultat d’IMC supérieur à 30kg/m2. Entre 25 et 30 on parle de surpoids, au-delà de 30 on parle d’obésité.
Connaît-on exactement les causes de l'obésité ? Est-ce qu'il ne s'agit que de nutrition ?
C’est une question difficile. Nous parlons actuellement de causes acquises et de causes innées. A proprement parler, les causes d’obésité purement génétiques sont extrêmement rares (moins de 1% des cas) et ce sont des syndromes génétiques très complexes.
La survenue d’une situation d’obésité est multifactorielle : notre mode de vie et nos professions de plus en plus sédentaires, la transformation des aliments avec des aliments trop riches en lipides et en glucides. On parle de déséquilibre de la balance énergétique.
On note également une part de ce qu’on appelle l’épigénétique, c’est à dire plutôt lié à un mode de vie partagé en famille.
L'obésité est-elle une maladie ?
Actuellement, l’obésité est reconnue comme une maladie en tant que telle, d’ailleurs on parle de « maladie-obésité » et cette maladie s’apparente en fait à un facteur de risque.
C’est donc une situation pathologique, qui n’empêche pas dans certains cas de se sentir bien dans sa peau, mais qui provoque la survenue d’autre maladie comme l’HTA, le diabète, le syndrome d’apnée du sommeil, les accidents vasculaires cérébraux, les problèmes d’infarctus du myocarde. On note aussi une franche tendance à l’apparition de cancers du tube digestif chez le sujet obèse, de l’œsophage, du colon notamment. De façon certaine, le surplus de graisse stocké par l’organisme chez le patient obèse pourrait jouer un rôle hormonal et endocrinologique néfaste.
Par ailleurs, le surpoids finit par détruire les articulations, des genoux et des pieds surtout puis aussi du dos, ce qu’on appelle l’arthrose précoce. Les patients obèses sont également plus à risque de faire des complications postopératoires lors d’une anesthésie générale, quelle qu’en soit la raison. Tout cela définit effectivement l’obésité comme une maladie invalidante et mortelle bien sûr.
17% de la population française concernée
Dans le cadre de cette journée mondiale de l’obésité, l’OMS parle « D’épidémie mondiale », est-ce vraiment le cas ?
Je suis tout à fait d’accord avec ce constat de l’OMS. On estime que le nombre de cas a triplé dans le monde entre 1975 et 2020. On en est actuellement à 15% de la population mondiale.
Pour la France, on n’est absolument pas épargné puisqu’on estime que 17% de la population adulte est en situation d’obésité.
Les conseils en nutrition circulent sur nombre de supports, les salles de sport se multiplient, il semblerait que la situation s'aggrave, pourquoi, selon vous ?
Très difficile de répondre en si peu de temps mais oui la situation est très inquiétante. Comme on le disait au début, depuis une quarantaine d’année la transformation des métiers a rendu l’activité physique presque optionnelle, la plupart des métiers se pratiquent maintenant assis, sans trop bouger, le grand succès de la voiture particulière a réduit considérablement les temps de marche rapide donc on assiste à une baisse globale de la dépense énergétique au quotidien.
A côté de cela effectivement les industries agro-alimentaires ont mis au point des plats préparés avec des aliments transformés extrêmement riches en additifs, en sucres rapides et en lipides, afin tout de même de conserver une saveur, et pour des coûts de production limités. C’est clair que ces aliments sont extrêmement mauvais.
Voilà pourquoi on parle de déséquilibre de la balance énergétique : trop d’apport d’un côté, pas assez de dépense calorique de l’autre.
La chirurgie : une solution moderne à l’obésité
Aujourd'hui on peut y faire face, et c'est là que vous intervenez... ?
La prise en charge de cette maladie est complexe et exige plusieurs disciplines qui collaborent en même temps. On fait intervenir la psychologue, la diététicienne, le médecin nutritionniste, le cardiologue, le pneumologue et bien sûr le chirurgien.
L’objectif étant de réaliser un parcours multidisciplinaire dans lequel on essaie d’établir une sorte de carte d’identité diététique et psychologique du patient et d’autre part de rechercher les conséquences que l’obésité aurait pu engendrer sur la santé du patient (que ce soit l’HTA, le diabète, le cholestérol.)
Actuellement, l’intervention chirurgicale est la seule option thérapeutique qui permet d’obtenir un résultat durable dans le temps, non seulement sur la perte de poids mais également dans un plus fort contrôle voire une disparition des maladies liées à l’obésité (parfois on arrive à supprimer les traitements anti-HTA, améliorer les chiffres glycémique chez les diabétiques, supprimer l’appareillage respiratoire pour l’apnée du sommeil).
Et c’est ce qui est valorisant : la perte de poids d’accord, mais mettre les patients à l’abri de ces complications cardiaque et vasculaire, c’est mieux.
Dans la pratique quelles sont les techniques utilisées en France ?
Il existe plus d’une quinzaine d’interventions chirurgicales différentes qui ont été inventées depuis l’essor de cette discipline et actuellement principalement 3 sont pratiquées en France : la sleeve bien sûr qui est actuellement l’intervention la plus pratiquée, le Bypass gastrique et l’anneau qui est presque abandonné.
De nouvelles techniques sont en train de voir le jour : la dérivation bilio-pancréatique couplée à la sleeve, intervention qu’on appelle SADI et le mini-bypass qui fait l’objet d’une controverse et d’une guerre entre chirurgiens…
De votre expérience de plus de 13 ans, comme cette patiente, à quel point vos soins changent-ils la vie de personnes, de familles ?
Ce qui me marque à chaque fois c’est d’entendre les patients, déjà 1 mois après l’intervention me dire en consultation postopératoire : « je me sens déjà mieux, je respire mieux, je marche mieux, j’ai moins mal au genoux »
Alors qu’on sait que les effets de l’intervention s’étalent sur 1 an et demi voire 2 ans.
Certains patients étaient en inactivité professionnels et se mettent à rebosser avec beaucoup de joie, d’autres patients se trouvent une passion pour le sport, d’autre pour la cuisine avec des aliments sains. C’est une chirurgie qui a, je trouve, des effets sociaux et mentaux. Raison de plus pour bien encadrer le geste avec un suivi rigoureux avant et aussi après l’intervention.
Un conseil au quotidien ?
Pas facile…En préventif je dirais : essayer d’avoir une activité physique régulière, facile à dire je sais… Essayer de cuisiner soi-même ses plats, avec une alimentation variée. Eviter à tout prix les aliments transformés, les plats préparés rapide…
En Curatif, actuellement seule la chirurgie a prouvé son efficacité sur le long terme dans cette maladie. Donc ne pas hésiter à franchir le cap de la consultation si on est en situation d’obésité.
Cvfg
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Super article qui informe très bien sur ce sujet qui est parfois oublié mais qui touche pourtant beaucoup de personnes. Merci à Cvfg pour avoir rédiger cet article en y ajoutant l'interview. Très instructif et pertinent!
L.G