La meilleure idée serait sans doute de fuir les injonctions extérieures encourageant à la diète et d'apprendre à écouter son corps à la place de sa tête. | Toa Heftiba via Unsplash Chaque année, vous jurez qu'on ne vous y reprendra plus. Et pourtant, c'est systématique, le dîner du 24 décembre et/ou le déjeuner du 25 se soldent par le constat d'une certaine débauche alimentaire et alcoolique… et par des lendemains qui déchantent, entre lourdeurs d'estomac et culpabilité d'avoir succombé aux excès prévisibles de Noël.
Alors, l'envie est souvent là de céder aux sirènes de la cure de détox vantée par le magazine féminin que vous parcourez avec une délectation honteuse chez le coiffeur, ou de faire confiance aux arguments marketing d'un vendeur de jus d'artichaut ou de smoothies au chou kale. Peut-être même écouterez-vous cette naturopathe adepte du jeûne hydrique –qui, avec un peu de chance, ne sera pas associé à une irrigation du côlon. C'est d'autant plus tentant que vous avez prévu, aussi, de remettre le couvert le 31, histoire de franchir le cap de la nouvelle année repu et un peu pompette.
Un processus physiologique naturel
Autant le dire directement: gardez votre argent et votre énergie. Ce genre de «détox» est au mieux une perte de temps, au pire une dangereuse arnaque sans aucun fondement médical. «Je dois bien avouer que j'ai appris l'existence de la détox au sens populaire du terme en lisant des journaux», rit jaune Robert Barouki, médecin, biochimiste et directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), où il dirige le laboratoire «Toxicité environnementale, cibles thérapeutiques, signalisation cellulaire et biomarqueurs». De la «détox», lui connaît en revanche le sens médical qui renvoie à un processus physiologique naturel. Notre organisme est capable d'éliminer la plupart des toxines qu'il absorbe. En effet, le foie et les reins, ainsi que la peau et les poumons, font le job afin de permettre au corps de s'auto-nettoyer. Et ce, sans avoir à y penser ni à ingurgiter certains aliments ou certaines plantes ou substances supposés accélérer le processus. «Sans détoxication au sens médical du terme, il n'y aurait simplement pas de vie possible», explique le spécialiste qui assure qu'«il n'y a aucune base scientifique dans ce qui est communément prôné pour aider à la détoxication, ni les bains de pieds ni les régimes concombre, ni non plus aucun complément alimentaire –sauf en cas de carence avérée, bien sûr». Autrement dit, vous pouvez remiser le jus de citron ou de radis noir, à moins que vous n'en aimiez le goût.
Mauvais calcul
Toutefois, ne nous leurrons pas. À travers ce concept marketing de détox mis à toutes les sauces, l'enjeu n'est pas tant de nettoyer son organisme que de maigrir –ou du moins ne pas grossir. «Dans toutes les promesses de détox, il y a toujours la croyance que ce qui est vendu va permettre de perdre du poids», explique Ariane Grumbach, diététicienne et autrice de La gourmandise ne fait pas grossir. Mais là aussi, ce serait un mauvais calcul que de chercher absolument à compenser les excès des 24 et 25 décembre afin de rentrer dans votre tenue du 31.
«Il n'y a aucune base scientifique dans ce qui est communément prôné pour aider à la détoxication, ni les bains de pieds ni les régimes concombre.»
Robert Barouki, médecin, biochimiste et directeur de recherche à l'Inserm
Commençons par battre en brèche une croyance largement répandue: un seul repas par trop abondant ne va pas peser durablement sur la balance. «Il faut faire la différence entre l'occasionnel et le régulier», insiste la diététicienne. «Il est normal de manger davantage et de manière un peu plus riche à Noël. Et si l'on prend un ou deux kilos, ils vont vite repartir car l'organisme saura se réguler dès lors que l'on reprendra une alimentation plus habituelle.» On peut donc mettre la culpabilité de côté, d'autant que cette culpabilité pourrait nous conduire à nous imposer des régimes express extrêmes et autres monodiètes qui réussiraient à fragiliser l'organisme et à engendrer une fatigue dont on se passera volontiers avant les festivités du 31.
Le jeûne strict, une mauvaise idée
De même, ce n'est pas le bon moment pour effectuer un jeûne. «Tout d'abord, il faut dire que le jeûne est quelque chose qu'il faut absolument éviter si l'on souffre de troubles des conduites alimentaires ou si l'on est affaibli», met en garde Ariane Grumbach qui ajoute: «En outre, tout jeûne nécessite une phase de descente et une phase de remontée, c'est-à-dire une préparation avant, pour mettre doucement l'organisme en condition, et après, pour reprendre progressivement une alimentation habituelle.» Autant dire que les quelques jours entre les agapes de Noël et celles du réveillon de la Saint-Sylvestre constituent un laps de temps bien trop court pour faire les choses correctement.
De son côté –et bien sûr sans jamais évoquer une quelconque détox ni même un régime amaigrissant–, Robert Barouki explique que si le jeûne, strict ou même à base de bouillon est à proscrire, le jeûne intermittent –c'est-à-dire ne pas s'alimenter pendant douze à seize heures, par exemple en dînant tôt et en sautant le petit-déjeuner–, peut être envisagé si on le souhaite: «Il n'y a pas d'unanimité sur le sujet, mais ce n'est pas spécialement dangereux et le substrat scientifique existant semble montrer quelques bénéfices, notamment pour limiter les marques du vieillissement.» Rien de miraculeux donc, mais ceux et celles qui le souhaitent pourront toujours tester.
Que faire si on a simplement envie de prendre soin de sa santé et de son bien-être durant la trêve des confiseurs? La meilleure idée serait sans doute de fuir les injonctions extérieures encourageant à la diète et d'apprendre à écouter son corps à la place de sa tête.
«Il faudrait redescendre aux messages qu'envoie le corps en matière de faim», recommande Ariane Grumbach. «Après un repas riche et copieux, il est normal de ne pas ressentir la faim. On peut alors très bien sauter le repas suivant si l'envie s'en fait sentir. On peut aussi éprouver le besoin de mettre un peu son système digestif au repos et d'alléger son assiette si on a consommé des aliments difficiles à digérer», explique-t-elle, sans poser d'obligation ou d'interdit.
«Si l'on prend un ou deux kilos, ils vont vite repartir car l'organisme saura se réguler dès lors que l'on reprendra une alimentation plus habituelle.»
Ariane Grumbach, diététicienne
Elle conseille également de s'efforcer de sortir des automatismes –la période des vacances où on est libéré des contraintes horaires et des habitudes liées au travail est assez propice à cela–, et de s'autoriser à dire «non» lorsqu'on partage un repas en famille ou entre amis.
En somme, durant cette période entre Noël et le jour de l'An, le meilleur cadeau que l'on peut faire à son corps est de l'écouter et de ralentir en prenant la tangente sur les diktats alimentaires –qu'ils aillent vers la débauche de bouffe ou vers la diète restrictive au jus d'épinard.
— Édité par Sophie Gindensperger —
26 décembre 2022
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